Béton teinté, corten, épuisement & usure du temps

Au 37R : fabriquer la ville avec : ses vides, ses matières, ses histoires fragmentaires. Densifier en allégeant, en remettant le végétal au centre, en ouvrant les possibles : penser une ville augmentée, plus poreuse, plus fertile, à la fois plus dynamique et apaisée. Il s’agit d’un projet démonstrateur, d’un geste doux, précis, intensément pensé – un manifeste discret, qui densifie sans brutaliser, qui ajoute sans écraser, qui transforme sans occulter.
On parle souvent de « faire la ville sur la ville ». Ici, c’est au sens littéral : dans un tissu urbain composite, marqué par l’héritage artisanal, les maladresses du siècle passé, et la résilience de la vie bellevilloise, le projet fabrique une épaisseur nouvelle ni pastiche, ni rupture. Une insertion organique de transition. Il redonne souffle à un îlot entièrement construit d’un hangar monofonctionnel, sans lumière ni jardin. Déconstruire pour mieux faire, en gardant les traces de la mémoire des lieux ; de ce qui a vieilli et de ce qui fabrique un contexte.
Les sous-sols deviennent des niveaux de vie, creusés dans la fraîcheur de la terre, éclairés par des patios vers lesquels ils s’ouvrent. La hauteur sous plafond amplifie le silence et les volumes. Les limites se dissolvent dans la transparence des vitrages toute hauteur, et l’on est projeté vers l’extérieur, happé par le végétal, enveloppé par la lumière. Grâce à la fluidité des circulations, un courant d’air vertical s’établit, un souffle, une respiration d’ensemble. Au fil des cheminements intérieurs, des échappées visuelles discrètes surgissent à l’improviste, comme autant de surprises suspendues. Chaque pli du bâtiment dessine un origami monumental, où les géométries se déclinent en une suite de plans pleins, creux ou ajourés – une composition complète où la matière se transforme à chaque inflexion. Le plan du logement est simple, presque archétypal : un carré, découpé en neuf cases, avec un vide au centre. Au cœur des bureaux, un escalier recyclé, pliure japonisante en acier, s’enfonce dans la terre et s’élève vers les hauteurs. Un tunnel suspendu. Autour des vides s’agencent logements, bureaux, jardins, escaliers, circulations. Le dedans et le dehors s’imbriquent dans une continuité souple. Les châssis coulissants, dissimulés dans l’épaisseur du mur, permettent d’ouvrir des pans entiers de façade, révélant un jeu subtil de reflets, de profondeurs et d’apparitions. Le mystère naît du glissement des seuils, d’un espace qui se dilate ou se rétracte, toujours prêt à accueillir le silence, le vent et la lumière.
Tout respire. Les masses s’articulent en quinconce, chaque pli change de texture, de tonalité, de lumière.